L’actualité oblige… à reparler du passé
Et à faire les liens nécessaires entre les questions du consentement à des relations sexuelles ou d’ordre sexuel, et la laïcité ; c’est-à-dire le rôle de l’Etat, la justice, les parents.
Rappelez-vous
Il y a 3 ans, il y avait des débats sur le consentement à cause de l’éducation sexuelle à l’école, voire en maternelle. A l’époque des parents musulmans puis catholiques avaient protesté, et leur réaction avaient été déplorés sur les ondes pour conservatisme religieux. Avaient-ils tort pour autant de revendiquer leur responsabilité familiale sur ce domaine ? Le pédopsychiatre Maurice Berger, de St Etienne, avait dénoncé dans une tribune sur Causeur (erreur fatale), et sur son site (https://www.mauriceberger.net/education-sexuelle-a-lecole-marlene-schiappa-fait-comme-si/), l’infraction psychique traumatisante que pouvait causer une information trop précoce et à ce point précise, avant même toute interrogation des enfants. Il dénonçait la déclinaison en France d’une conception nouvelle de la sexualité qui déboulait de textes européens « standards européens d’éducation à la sexualité ». L’éducation à la sexualité n’étant pas l’éducation sexuelle si les mots ont un sens.
De quoi était-il question ?
Tout simplement d’enseigner aux enfants la possession de soi – formidable – dans l’ouverture aux plaisirs de son choix, dans les configurations de son choix, au-delà de la sexualité de reproduction de papa. Marlène Schiappa, qui heureusement à d’autres qualités, se défendait des accusations en affirmant que le coeur de cet enseignement était le respect de sa propre personne, via le non-consentement : quand c’est non c’est non ! Le slogan imparable.
Formidable non ?
Non, parce que personne ne posait les questions qui fâchent, 1 celle qui aurait permis de parler de la perversion sexuelle : et quand c’est oui alors ? Parce qu’elle aurait dû répondre du coup : et bien effectivement, quand c’est oui, c’est oui ! Et il n’était pas question de limite d’âge, de différence d’âge, de configuration, et 2 celle de la responsabilité des parents. Il était question d’enseigner précocement aux enfants qu’ils étaient libres de leur jouissance sexuelle et de leur choix et pratiques, à condition de consentement ! La fête du slip chez les pervers !
6 mois plus tard, l’affaire Matzneff / Springora
Patatrac. Pourtant elle était grande la petite Springora, quand elle menaçait ses parents de fuguer s’ils ne recevaient son séducteur, vieux, à leur table ; elle avait 14 ans. Et bien les médias ont réussi ce tour de force de parler longuement de cette affaire, sans jamais évoquer les débats sur l’éducation sexuelle qui ne dataient pas de 6 mois. Mme Schiappa s’est faite petite, et les journalistes aussi, ce qui est une faute professionnelle ; ils avaient été pris dans une idéologie perverse qui ne disait pas son nom, et ils ne tenaient pas à faire amende honorable. C’est dommage car l’on aurait pu décoder la façon de procéder des pervers, ses manoeuvres, pour obtenir le consentement du quidam.
Maintenant le débat sur l’inceste, après celui de la maturité sexuelle
De nouveau, actualité sur le consentement via les violences incestueuses via les affaires Duhamel, Berry et d’autres. Pas de chance pour les déconstructeurs de la sexualité patriarcale. Là encore, taire les débats d’il y a 3 ans. Là encore c’est dommageable, car le débat sur la perversion est évitée. Tout le monde y va de la limite au consentement comme si c’était une évidence de toujours. Là encore Mme Schiappa fait profil bas, là encore les journalistes ont la mémoire courte.
Tu voulais donner un exemple précis
Lors d’une cérémonie des Césars, c’était juste après l’affaire Springora, une jeune actrice révèle, au pupitre et non pas dans un interstice, qu’elle se sent bien sur scène car dans son cours de théâtre il ne faisait pas bon être dans les gradins à côté du professeur ; elle nous prend à témoin en direct et dénonce un prédateur sexuel ; elle ne peut pas faire plus. Tout le monde dans la salle connait cet homme, toute la presse spécialisée et féministe connait cet homme, en toute logique le lendemain aurait du paraitre des articles et un procureur aurait du se saisir de cette information car vu son âge, les faits ne sont pas prescrits ; et bien non, il ne s’est rien passé, la grande famille du cinéma s’est tue, comme la plupart des familles donc. Les journalistes n’ont pas fait leur métier (en revanche jouer les procureurs avec les Gilets Jaunes tombait sous le sens). C’est le même mécanisme familial à une autre échelle. Tout le monde a su, nous compris, mais personne n’a parlé. Alors, vous pouvez changer la loi, la dénonciation est toujours sélective ; c’est seulement quand un coupable est accessible et que c’est sans danger, c’est-à-dire qu’il capte toute la lumière, donc on peut se refaire une virginité à bon compte la main sur le coeur. La cible est identifiée par des critères que je ne saurais définir.
Quel rapport avec la laïcité ?
Dans une République laïque, l’Etat est neutre, il n’a pas à se mêler du débat sur les croyances, il ne devrait donc pas prendre partie sur les convictions sexuelles, les modèles sexuels, la culture sexuelle ; c’est de l’ordre de la croyance, de la culture. Sa fonction, au titre de la Fraternité, est de neutraliser les pouvoirs d’emprise notamment sur les enfants, et donc les protéger (ça passe par l’instruction pour qu’ils ne soient pas eux-mêmes un danger pour les autres) mais pas de les éduquer sexuellement. C’est aux parents d’enseigner leurs valeurs dans ce domaine, dans la mesure où cette culture n’est pas discriminante, ce qui n’est pas un détail.
Plus précisément
Qu’une famille soit pudique ou pas, ce n’est ni bien ni mal, c’est un choix dont l’Etat n’a pas à se mêler ; c’est un débat de société qui concerne la société, on peut même s’affronter (verbalement), mais la justice n’a pas à nous dire qui doit changer, elle doit simplement veiller à ce que personne n’impose sa loi dans l’espace public.
On peut être homophile, transphile, phile de tout, l’Etat n’a pas à en faire ni la promotion ni une obligation morale, ça ne le concerne pas : une famille conservatrice a le droit fondamental de désapprouver ces identités et de le dire ; il doit seulement veiller à ce qu’aucune violence ne soit exercée à l’encontre des pratiques et des identités, car elle est injustifiable ; et donc enseigner aux enfants que ces pratiques existent – connaissance du réel – et que les personnes sont à respecter.
L’Etat outrepasserait ses droits au mépris de ceux des familles ?
Oui, l’éducation à l’école doit nous enseigner que s’il y a des cultures sexuelles différentes, il n’y a pas de norme autre que culturelle ; en revanche il y a une loi qui interdit d’agresser l’autre, ou d’obtenir indûment son consentement ; il faut tenir bon sur ce registre. Or l’Etat ne remplit pas sa mission ici, car il se couche devant ceux qui disent le contraire au nom de leur sacré ; en revanche, il veut enseigner aux enfants un nouveau catéchisme, une morale et des normes sexuelles en toute bonne conscience, sous couvert de santé ! Et gare à qui ramène sa morale, sa culture, dans ce domaine seulement. Bien sûr, il y a des familles qui dysfonctionnent, et on n’imagine pas laisser faire au nom d’un droit quelconque ; la définition du dysfonctionnement qui est du ressort de l’Etat, à cause de la Fraternité, au nom des droits de l’individu.
Son rôle est donc de fixer des limites au consentement
La loi ne dit que la loi, pas ce qui est juste. Mais il y a un hic, et le ministre s’y colle : la différence d’âge entre les deux amants. Ça va être un sacré boulot de la définir par la loi, surtout quand on a le couple présidentiel que l’on a. J’ai bataillé sur cette question avec les équipes d’éducateurs auprès des jeunes placés en foyer, qui sont des proies faciles pour les pervers. La réalité psychique est que vous pouvez avoir des ados de 20 ans, qui ne sont pas plus matures que leur copain/copine de 14 ans. Et des ados de 18 ans qui ont une maturité telle qu’on peut voir qu’ils sont dans un rapport de prédation. Il n’y a que des cas particuliers, quand la loi dit le général. La seule façon de tenir compte de la réalité, d’être au plus juste, aurait été d’augmenter l’âge de la majorité sexuelle pour donner la possibilité aux parents d’évaluer la situation, et de la porter en justice le cas échéant. Au contraire, en fixant à 15 ans la majorité sexuelle, l’évidence donc, on offre notre jeunesse aux pervers ! Il a été question de 13 ans même. Mais voilà que les affaires d’inceste contrarient encore le processus de responsabilité individuelle précoce. Soyez sans crainte, les pervers sont plus patients que nous, ils trouveront la parade.
On ne lutte pas contre la perversion par la loi ?
Il ne faut pas confondre le violeur d’une part, un mutique dont le projet est l’effraction physique et psychique, et dont le lien par la parole est la hantise, et d’autre part le pervers, cet équilibriste « polyglotte », dont la jouissance consiste à obtenir le consentement, en utilisant la curiosité sexuelle, naturelle, de l’enfant. Le pervers est toujours pervers, il est toujours en manoeuvre et il jouit de la loi car c’est elle qu’il veut effracter. En mettant des limites, comme veut le faire le garde des sceaux, on peut penser qu’il est battu, mais c’est une illusion, il redoublera de jouissance quand, à force de patience, il obtiendra que la victime consente, et ne dénonce pas. La seule issue me semble-t-il était de rendre aux parents la responsabilité ; mais, prétendument laïque, la République dans ce domaine passe son temps à ôter toute responsabilité aux parents ; déjà avec les pilules contraceptives qui peuvent être prescrites sans autorisation des parents, l’avortement itou, il faut simplement la présence d’une personne majeure. C’est-à-dire que sous couvert de libérer l’ado de toute emprise parentale (associée au patriarcat), ce qui est un projet magnifique auquel je souscris seulement quand elle est pathologique, on l’offre à l’emprise du pervers. Nous donnons donc notre consentement, et c’est ce qui signe la victoire de la perversion sexuelle. Voir les grandes figures politiques qui reconnaissent avoir été consentants (pas dit comme ça) en signant une pétition, post-soixante huitarde, en faveur de la libération de la sexualité des mineurs ; des gens qui nous regardaient de haut et qui savaient pour nous.
Parenthèse. Curieusement – ou non – dans le domaine de l’ordre public, les parents sont accusés de ne pas assumer leur responsabilité vis-à-vis de leurs ados. L’appel à la responsabilité parentale est à géométrie variable, en fonction de l’intérêt des élites ;
regardons les mesures sanitaires, les impossibles référendums.
Mais tenir les parents informés de la sexualité de leurs enfants, c’est un retour en arrière, c’est du patriarcat !
Non, ce devrait être leurs droits dans un pays laïque qui respecte les droits des parents, mais aussi celui des enfants d’être protégés, en premier lieu des prédateurs. Débattre du contrôle des corps, et notamment celui des femmes, est un débat important, voire urgent, mais il faut le placer au bon endroit, et dans le respect du rôle de chacun. Libérer la sexualité des enfants était devenue une priorité, avant celle des femmes ; là il s’agit de respecter les cultures plutôt que les personnes. Ça devrait nous alerter, non ?
Pourquoi est-ce si difficile de parler de la perversion ?
Il faut distinguer la perversion en général, de la perversion sexuelle qui en est une des déclinaisons. Il est difficile d’aborder cette question car, si on dépliait les stratégies de la perversion, on risquerait de porter un tout autre regard sur notre organisation politique et économique. Je reviendrai sur la dimension perverse de notre société, et sur la différence entre la perversion et la subversion. La laïcité est un anti-cléricalisme, et devrait être aussi, à cause de la Fraternité, une anti-perversion du lien, aux enfants particulièrement. Or nous sommes spoliés de notre pouvoir de décision sur notre vie, et de notre responsabilité sur l’environnement et le futur de nos enfants, et tout ça… avec notre consentement, passif ou actif. Parler du consentement, et des stratégies pour l’obtenir, est risqué pour tout pouvoir.
Aux USA, Q Anon dénonce un complot mondial d’une élite pédophile
C’est évidemment une ânerie alimentée par un certain nombre de scandales qui, il faut le dire clairement, n’ont rien d’imaginaires. En fait, ces complotistes n’ont pas compris que les pervers n’ont pas besoin de se voir, de se parler, pour savoir si une loi, sur l’éducation sexuelle par exemple, est bonne pour eux ou pas. Ils le savent d’instinct, ils oeuvrent dans le même sens sans avoir à se rencontrer. Parmi les gens qui ont défendu le programme d’éducation sexuelle, il y avait j’en suis sûr nombre de personnes sincères voire admirables de respect des enfants ; mais il n’y avait aucun psychologue psychanalyste ou pédopsychiatre – aucun journaliste n’a interrogé la ministre sur cette bizarrerie – en revanche il y avait des ONG et des représentants de divers associations dont on se demande ce qu’elles présentaient comme compétences, autres que leurs revendications. Curieux non ?
S’il n’y a pas eu de complot pédophile, en revanche, dans les bases théoriques et les études cliniques sur lesquelles s’appuient les âmes charitables, il y a d’authentiques pervers sexuels que l’on peut identifier.
Un mot sur la pédophilie féminine ?
Il faudra y revenir plus spécifiquement. Elle existe mais elle est, soit niée, soit magnifiée. Je vous renvoie à la pièce de théâtre Les monologues du vagin, célébrissime, où une saynète fait l’apologie de la pédophilie féminine qui… séduit le public. Toujours le consentement. Suite à l’affaire Springora, plusieurs hommes, y compris connus, ont fait part de leurs expériences de jeunes ados, voire d’enfants, séduits par des femmes ; elles n’ont pas fait le buzz médiatique.