On reproche fréquemment aux femmes de manquer d’autorité.

C’est un reproche que curieusement beaucoup de femmes reprennent à leur compte. On leur reproche facilement de manquer d’autorité, au sens de fermeté, au contraire des pères. On leur reproche de ne pas être des super Nanni ou des Mme Thatcher. Mais faut-il se transformer en adjudant-instructeur quand ce n’est pas son style ? C’est tout-à-fait impossible et  perdu d’avance. C’est surtout une fausse piste car le présupposé serait que l’autorité est une capacité de soumettre, rapidement, voire de faire peur. Quel intérêt et quel avenir pour cette forme d’autorité qui va tutoyer l’autoritarisme ?

Alors elles en manquent ou pas ?

Je vous propose de reprendre les choses sous un autre angle. D’abord accepter que pour l’enfant, la mère n’est pas le père. Ce n’est pas si ridicule que de dire ça, même si le débat fait rage en ce moment sur les distinctions sexuelles. Ça veut dire que ce qu’il accepte du père, il le refusera de la mère. Non pas à cause d’un manque (c’est une autre histoire un peu complexe), mais parce qu’il veut la garder dans une fonction différente. L’enfant peut ne pas vouloir que sa mère grandisse en même temps que lui, il veut qu’elle reste la petite maman nourricière de son premier âge, et non pas qu’elle devienne, par ailleurs, une maman frustrante.

La mère est le premier environnement de l’enfant

Oui, comme elle a été le premier environnement – en fait le deuxième terrain de jeu après son propre corps – c’est auprès d’elle qu’il va faire toutes ses premières expérimentations. Quand il veut expérimenter le non, c’est évidemment l’interlocutrice privilégiée. Ce n’est pas du manque de respect, c’est la liberté d’expérimenter l’opposition, de se distinguer d’elle. Travail difficile pour la mère qui est systématiquement en première ligne et pour longtemps, pour ne pas dire le premier jouet. Elle est dédiée à ce type de relation pour l’enfant. Ce que n’est pas le père.

Quel travail pour les mères alors ?

Ceci oblige les mères à faire preuve de patience, d’attention, d’indulgence, de capacité de négociation pour que l’enfant accepte des contraintes plutôt qu’il ne s’y soumette. Cette autre forme d’autorité est civilisatrice, c’est l’intégration de ce respect de l’autre, de son quant-à-soi, qui va permettre à l’enfant devenu grand de penser une relation à l’autorité qui n’est pas dans la soumission et la violence. Excusez du peu. En effet, s’il faut soumettre les enfants par la violence, alors ils ne seront jamais capables de se contenir sans une contrainte extérieure, et seront tentés de reproduire ce mode de relation. Nous manquerons toujours de policiers.

Les pères sont capables de faire ça aussi

Les pères ont un rôle important à jouer en ne dénigrant pas cette forme d’autorité des mères « moi j’y arrive ». Les pères peuvent au contraire soutenir cette forme et s’en inspirer car maternel ne veut pas dire exclusif mère. Parenthèse : il y aura un parallèle à faire avec la forme d’autorité démocratique qui est perçue comme féminine par les adolescents, donc faible voire homosexuelle.

Quand les mères sont seules ? Comment faire pour incarner l’autorité du père et celle de la mère en même temps ? 

Rien car c’est impossible, en tout cas du point de vue de l’enfant d’une manière générale. Aussi, reprocher à cette femme seule de ne pas incarner la totalité du spectre de l’autorité auprès de l’enfant, est violent et injuste. L’enfant devra trouver dans l’environnement des modèles identificatoires masculins et paternels, et la mère devra accepter les limites de son être et de son style. Nous devons changer ce discours culpabilisant sur le manque d’autorité des mères ; si l’on s’est compris il faudrait parler plutôt d’une difficulté pour les enfants d’accepter cette forme d’autorité par manque de maturité.

Nota, c’est la même logique avec les délinquants quand ils refusent toutes les conventions. Ce n’est pas l’autorité démocratique qui s’interdit la violence qui est faible, c’est eux qui sont incapables d’intégrer ce mode d’autorité. Même chose en entreprise quand une équipe, ou des hommes, refusent de travailler sous l’autorité d’une (faible) femme ou d’une personne « sans poigne » ; ce n’est pas  un manque d’autorité, ce sont ces hommes qui sont incapables d’intégrer ce mode de relation. Ça ne veut pas dire qu’il faille renoncer, seulement qu’ils ont des progrès à faire.

Mais ça existe des gens, mères ou pères d’ailleurs, dont on sent que le manque d’autorité est bien à eux ? Comme s’ils manquaient de consistance

Oui c’est vrai, et dans ce cas là on peut penser que les enfants ont perçu un trouble, et s’évertuent à mettre le parent au travail sur sa propre histoire, sur sa propre relation souffrante à la relation parent/enfant. Mais ce sont des cas particuliers pour lesquels on ne peut pas faire de généralités comme je viens de le faire, mais seulement conseiller aux enfants d’amener leurs parents chez le psy (vous avez bien lu).