Nice 2020 : la violence islamiste, dans un lieu de culte.

La liberté de pratiquer son culte en toute sécurité est un droit constitutionnel né de la nécessité de protéger les cultes minoritaires. En passant, c’est une façon de les égaliser en attribuant aux religions un statut de croyances. C’est donc aussi un déclassement.

Nous devons distinguer deux violences. La première, c’est celle inhérente à la volonté islamiste d’établir un califat mondial, elle n’a d’autres causes qu’internes : le pouvoir de régir le monde aurait été attribué aux adeptes – nouveau peuple élu – directement par le seul vrai dieu via un prophète médium. Cette violence n’est née d’aucune colonisation ni souffrance  mondialiste, et ne s’adresse pas spécifiquement à nous occidentaux : elle frappe là où c’est possible. La laïcité étant un anticléricalisme, explicitement, la volonté théocratique est du fascisme. Ceci nous désigne comme l’ennemi-type.

Les musulmans ne sont-ils pas les premières victimes de l’islamisme ?

Non. Ils sont les plus nombreux parce que plus faciles à atteindre. Toutes les personnes qui ne se soumettent pas à son dogme, par exemple : les athées, les apostats, les homosexuels des deux sexes, sont dans la file d’attente. Conclusion : si vous avez peur c’est que vous allez bien sur le plan psychologique, si non, le mieux c’est de consulter.

La deuxième violence ?

Celle dont la cause supposée serait le sentiment d’injustice ou d’atteinte au sacré, les fameuses caricatures donc. La violence serait une réaction légitime car secondaire, elle ne serait qu’une réaction, en quelque sorte pédagogique. Globalement, la laïcité serait la cause car, si on laissait chacun pratiquer comme il veut, à l’anglo-saxonne par exemple, il n’y aurait pas de violence.  Déni de la réalité ! René Girard, un anthropologue, nous a montré que la violence se justifiait toujours d’être secondaire : nous prétendons toujours rendre le coup que l’on nous a porté. La Fontaine a tout dit dans Le loup et l’agneau. Soyons clairs : la laïcité, en égalisant tous les êtres humains, et en leur attribuant la liberté par nature, porte un coup d’une grande violence aux religions. L’église catholique a eu du mal à rentrer dans le rang – quand on est majoritaire c’est plus dur – . L’islamiste qui ne sait pas être minoritaire, ni majoritaire, mais seulement hégémonique, n’envisage pas la coupure qu’organise la laïcité : la précellence du profane dans l’espace public.

Serions-nous dans une impasse ?

La liberté d’expression est un droit non négociable, les croyances ne sont pas sacrées, seules la vie et l’intégrité physique (et psychologique ?) le sont. Cette liberté peut être restreinte dans le cadre d’un culte entre des gens qui partagent, volontairement, ce culte. Le blasphème existe en privé, il ne concerne que les croyants d’un même dogme. Disons-le, il y a une vraie torture que l’on évite aux français musulmans ( sauf pour ceux qui se rappellent les émissions d’Abdelwahab Meddeb, Culture d’islam) : le Texte est-il la parole de dieu ou ce que les hommes en ont compris ? Donc il est interprétable. Dit autrement, dieu est-il une réalité que tous doivent admettre, ou bien seulement connaissable par la foi, au plus profond de son intimité ? (voir le film Le nom de la rose) Si les musulmans se prononçaient sur le deuxième choix, ils opéreraient alors un schisme qui les ferait rentrer dans notre modernité certes, mais au risque d’y rentrer les pieds devant. La preuve par Nice dont le message des fanatiques s’adresse aux croyants (ceux qui ont la foi donc). Le message s’adressent à tous ceux qui seraient tentés de séculariser leur religion, comme l’ont fait les chrétiens. Le mauvais exemple à ne pas suivre. Arme à la main, nous sommes tous convoqués par les fanatiques pour dire si, dans l’espace public, dieu est une croyance comme une autre ou doit être tenu pour vrai de vrai. Qui veut répondre ?

On chercherait au mauvais endroit les causes de cette violence ?

Il y a plusieurs hypothèses sur la table. 1 On cherche du côté du sort réservé à la jeunesse. Ça ne tient pas si on compare les pays ou si on connaît l’histoire : la violence religieuse se moque des époques. 2 On cherche du côté de la fragilité de la jeunesse : ils sont à la recherche de sens, de combats, de pouvoir à bon compte, d’une vie grandiose y compris à travers l’ascétisme et la mort, surtout s’ils ne sont pas diplômés. C’est une hypothèse qui a du sens, mais  ne couvre pas tous les cas, loin s’en faut. 3 On cherche du côté de l’obscurantisme – ici religieux, mais il n’est pas que religieux – c’est-à-dire la croyance en la magie plutôt que la connaissance du réel. Le réel c’est psychologiquement la tuile absolue, et l’autre, qui en est le représentant, le diable en personne. Sacrée épreuve. 4 On doit chercher du côté du pouvoir, de la jouissance du pouvoir sans autre mérite que d’être l’élu : le préféré de dieu parmi les hommes – soit symboliquement l’aîné de la fratrie  – dont la colère est légitime car spolié par les cadets via les droits des hommes et le triptyque républicain. L’islam prétend être la dernière religion, mais aussi la première ! Fils (pas fille) unique de dieu donc. Mais en laïcité, il n’y a plus de droit d’aînesse ni de privilèges liés au sexe ! Vous voyez, ça coupe sacrément la laïcité ! Mais ce n’est pas de la castration, c’est une promotion : la laïcité est une spiritualité de ce point de vue, car elle vient couper dans le vif de nos illusions et de nos désirs d’emprise.

Aussi, dire que les caricatures sont La cause est une facilité de langage, ou une lâcheté.

Une hypothèse personnelle pour finir

Notre société, avec sa foutue liberté individuelle, propose une vie de solitude où la dépression rôde. Si on ne trouve pas un clan, une bande, une tribu etc.. on court un grand risque. Et ça ne suffit pas toujours. La religion, quand elle est hégémonique ou dans une démarche sectaire, propose une présence permanente, à la limite de la persécution, et exigeante, très exigeante. Le contraire de ce que nous faisons auprès des jeunes ? Les recruteurs (ou la culture religieuse intégriste) ne lâchent pas leurs adeptes, ils les isolent mais ne les laissent jamais seuls grâce aux réseaux. Chez une personne angoissée, phobique, c’est d’un grand secours, et la perspective de la mort peut-être le soulagement d’une douleur d’exister… seul. J’ai découvert ceci en travaillant auprès de délinquants. Les caïds ont gardé des peurs d’enfants psychologiquement abandonnés, ils sont les plus fragiles. L’abandon, psychique, est une bombe à retardement. Nous avons tort de ne pas faire de prévention, pire, d’attaquer socialement le lien mère/enfant. Moi Président…

Perspectives laïques

Si nous voulons demeurer (ou devenir ?) une société laïque, soit la liberté malgré ses aspects douloureux, alors nous devrions réinventer notre façon d’être présents les uns aux autres ; construire enfin une société de l’attention réciproque. Tiens, ce pourrait être la définition d’une République laïque. Mais c’est l’exact opposé de la direction que l’on prend ! Car qui veut vraiment de l’Egalité ? Dites « égalité » dans une assemblée et vous perdez la moitié de la salle. Qui veut vraiment de la Fraternité ? Dites « responsabilité vis-à-vis du plus faible, soit la fille de l’intégriste, quelle que soit sa religion » et vous perdez  l’autre moitié. Il vous restera les laïques… et les sourds. Ça va de soi (G.Brassens).