Ce vendredi 11 mars, au détour d’une info, j’entends Nicolas Sarkozy, dans un grand oral face à des pompiers, moquer les conventions citoyennes, les tirages au sort, et faire l’éloge de l’élite dirigeante : “diriger un pays c’est un métier”.

C’est une illustration parfaite de ce dont nous souffrons dans la conception de la laïcité et la démocratie. Je rappelle que nous serions une République démocratique laïque et sociale.

Je passe sur les résultats de l’élite dirigeante, 5 limites planétaires sur 9 dépassées, migrations climatiques présentes et à venir, risque de perte des équilibres… Ça devrait rendre modestes les élites et les ex, et nous amener à reprendre la question de la méthode démocratique. Je ne sais pas quel peuple véritablement souverain aurait pu faire plus mal. Passons.

Ce qui est intéressant ici, c’est la réduction en creux de la laïcité à la seule liberté de croyances et d’expression de sa croyance ou non croyance, car N. Sarkozy est persuadé d’être un démocrate d’une part et laïque d’autre part. Mais il réduit la population à la seule mission de choisir le meilleur dirigeant, qui est chaque candidat de leur point de vue.

Mais la laïcité, la République des égaux, fait la différence entre le but qui doit être fixé par le peuple – c’est le peuple qui doit choisir la direction, diriger – et les moyens, soit la mise en oeuvre par délégations. Délégation faites à des élus chargés de gouverner,  c’est-à-dire de mener la barque vers le but fixé par le peuple. Nous faisons exactement le contraire : des élites dirigent et gouvernent. La population est condamnée par la constitution de 58 à rester dans les soutes, considérée comme aveugle et incompétente ; ce qui est un déni de démocratie sur lequel on ne peut pas revenir car cette génération a verrouillé cette spoliation.

Cette tension historique entre la verticalité et l’horizontalité du pouvoir est historique.

Notre problème est que la verticalité du pouvoir, la pyramide, est efficace dans nombre de circonstances, par exemple la guerre ou quand le problème ne nécessite pas de créativité ; mais hélas nous la répliquons dans des endroits ou n’est pas légitime, à défaut d’être efficace. Elle est illégitime quand il s’agit de la politique où nous sommes censés être des égaux, et non pas la soldatesque des dirigeants. C’est-à-dire que devons être structurellement responsables de l’avenir de ses enfants.

La laïcité est en théorie un système horizontal que l’on n’arrive pas à organiser en pratique, ce qui n’empêche que les compétences soient utilisées aux bons endroits. Horizontal ne veut pas dire que chaque citoyen doit être un expert en tout, ce serait stupide et c’est une critique stupide de la démocratie non représentative ; horizontal, cela veut dire qu’il est le dirigeant mais qu’il peut confier le gouvernail à des personnes compétentes mais missionnées, aux ordres.

On est loin du compte. Nous sommes un société à vocation laïque, mais nous ne sommes pas une République démocratique laïque et/donc sociale.

Quand un ex chef de l’Etat, “représentant” du peuple, garant des institutions, membre de droit du Conseil Constitutionnel (plus haute juridiction), ne perçoit pas le caractère anti-laïque de sa pensée, quand aucun collaborateur ne lui signale, quand aucun journaliste le l’interroge ni qu’aucun opposant politique ne l’interpelle, cela veut dire qu’il y a un déficit de connaissance, une inculture profonde, ce qui est plus qu’embêtant puisque toutes ces élites sont censées avoir la lumière à tous les étages, contrairement au petit peuple. Le pouvoir vertical, qui génère le conflit pour l’obtenir même quand on est minoritaire, est une plaie dont la laïcité bien comprise pourrait nous guérir. C’est peut-être pour cela que les élites minoritaires ne veulent pas être éclairées, seulement choisies.

Jean Paul Jouary, philosophe, dit tout ça mieux que moi dans une courte vidéo.