Taxe Zucman : questionner la question

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Dans les sciences sociales, on questionne toujours la question ; mais c’est une attitude subversive qui sent le souffre en politique. 

Par exemple : Faut-il taxer les riches ? 

C’est le pseudo-débat qui enrage sur les plateaux et les Assemblées. D’une manière un peu indécente je trouve, des courtisans défendent les plus riches contre ce qu’ils appellent “l’impôtmania” française. S’il y avait un vrai débat, on questionnerait d’abord et publiquement les termes de la question, juste pour savoir de quoi l’on parle.

Questions sur la question : 

  • Existe-t-il une limite juste à la richesse, à la propriété, puisqu’elles correspondent à un inverse par rapport à la moyenne dans un monde fini ? 
  • Et une limite juste à la pauvreté, au dénuement ? 
  • Quel serait l’écart juste entre les salaires dans notre pays ?
  • A quelle conception de l’Etat l’impôt correspond-t-il ? L’Etat juste est-il au service de la liberté, la santé et la sécurité de tous, ou de certains  même si c’est aux dépens d’autres ?
  • Est-il juste de dégager 20, 50, 70 t/CO2/an simplement parce que l’on est riche ?
  • Est-il juste en démocratie de traiter les problèmes en se référant au concept du Juste,  qui n’est pas le Normal ?

Que pense la ou le député qui va décider à votre place ? Et vous, vous en pensez quelque chose ?

En posant ces questions, on voit vite que la (petite) taxe Zucman ne répond pas aux enjeux écologiques, même si on la double et qu’on la consacre à la transition écologique.

Le problème est plus grave : il est dans la définition même de la liberté dont tout le monde se réclame.

D’une part, il y a la liberté des traités commerciaux qui ont leurs tribunaux : celle d’entreprendre sans entrave et quelles que soient les conséquences sur les autres. Ses partisans n’ont pas intérêt à voir ou faire exister une communauté souveraine. There is no such thing as a society (une société ça n’existe pas), disait Margaret Thatcher.

D’autre part, il y a celle intégrée dans la constitution (française et européenne) via le principe de précaution qui a ses cours de justice : la liberté limitée par celle d’autrui. Dans ce cas, la communauté a une existence, mais elle n’est pas souveraine ! Donc elle n’est pas une communauté, mais une masse d’individus.

Notre capacité à contenir de tels paradoxes a un coût, mais ce ne sont pas les plus riches qui les paient.