Des représailles peuvent-elles être légitimes ?

Vous connaissez les faits : le jeune Nahel, de 17 ans, tué par arme par un policier.

Comme attendu, des jeunes cassent en bande, et des politiques appellent au calme, car rien ne pourrait justifier… et parlent de la situation des banlieues alors que les jeunes en question ne tiennent aucun discours de cette nature ; et les journalistes interrogent des experts qui analysent la situation, sans que personne ne sache ce que pensent lesdits jeunes.

Il manque des mots pour penser la situation, et leur absence en soi est un symptôme du manque de culture laïque de tout ce petit monde.

Dans une société de droit et laïque, un individu est seul responsable de ses actes, et personne d’autre n’en porte la responsabilité sauf s’il obéissait à un ordre explicite ou implicite, donc si son comportement est induit par un système.

Dans cette même société, les représailles sont interdites (sur les institutions ou les propriétés privées) et c’est ce qui nous a sorti de la vendetta. Organiser des violences ou des pillages sous prétexte de représailles –  situation qu’il faut nommer – est non seulement interdit par la loi et par l’esprit de la loi, mais c’est aussi une attitude mafieuse dangereuse au plus haut point. C’est pour cette raison que les violences sont insupportables. Mais.

Mais, il y a un cas et un seul où les violences ne sont pas des représailles mais une violence légitime. C’était prévu dans la constitution de 1789 puis de 91, mais ce droit/devoir a disparu en cours de route. Pour des raisons que vous pouvez facilement imaginer. C’est le droit et même le devoir d’insurrection quand la population subit un pouvoir tyrannique.Voir aussi les soulèvements de la terre.

Si la violence de la police est systémique, donc l’instrument d’un pouvoir autoritaire voire totalitaire, alors la réaction violente est non seulement légitime mais salutaire et recommandée. On voit donc l’importance du débat autour de ce qui fait système. C’est pour cette raison que certaines parlent aussi de racisme systémique, de discriminations systémiques, de paternalisme systémique etc… Quand ça fait système, la réaction violente est légitimée.

Problème : qui dit quand et comment c’est tyrannique car systémique ? Onfray dit que nous sommes en tyrannie, d’autres dont je fais partie, que nous ne sommes pas en démocratie. Cela nous donne-t-il le droit à l’insurrection, quel que soit notre nombre. Le droit, on ne l’aura jamais car cette possibilité n’est pas inscrite dans la Constitution et ne nous sera pas donné par les élus. Doit-on le prendre, le dépasser – grâce au silence de la majorité – ou doit-on réclamer qu’un dispositif soit créé pour analyser et contrôler le pouvoir en continu ? Il ne suffit pas de le dire, c’est une étape qu’aucune démocratie n’a franchie, mais si on ne s’attèle pas au problème, on ne risque pas de trouver la solution. Mais on voit bien qu’un pouvoir minoritaire a tout intérêt à maintenir le rapport violent tant qu’il en a les moyens, et les moyens de les développer ; mais jusqu’à quel niveau d’injustice ? Car prétendre que notre organisation politique et économique est construite sur la justice et le bien-être de tous est un déni (idéologique) de la réalité.

Pour ma part, je milite pour qu’on traite cette question via une Constituante. Si  on ne milite pas pour ça, alors on ne pourra que se plaindre des insurrections à venir ; la population n’aura jamais d’autres issues que celle-ci. Quitte à se diviser au profit de…

J’insiste. Il y a des marches blanches, des appels au calme ; mais notez-vous que jamais il n’y a organisation de lieux de parole, en continu, au quotidien ? Dans aucun village il n’y a des agoras régulières pour refaire le lien que les écrans et le consumérisme défont. Les gens dont la parole ne vaut rien, “qui ne sont rien” sont contraints au passage par l’acte pour communiquer des blocs de sentiments plus ou moins énigmatiques car ils ne peuvent jamais témoigner de la complexité de leurs vécus. Même chose avec la réforme des retraites, les soulèvements de la terre. On continue comme ça ?

A force de faire taire, on fait braire. Mais qui sont les ânes ?